Cette faune française qui se porte bien (ou mieux)

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Alors que l’actualité écologique mondiale semble envahie par les nouvelles pessimistes, il est juste de rééquilibrer ce constat en évoquant quelques-unes des espèces qui se relèvent des atteintes diverses qu’elles ont subies et témoignent de la formidable vitalité dont, quoi qu’on en dise, fait preuve la Nature. Surtout quand l’Homme apprend à la protéger et à la respecter !

C’est pourquoi je vais vous parler de quelques animaux de la faune de France, qui sortent du sombre domaine des espèces en voie d’extinction pour rejoindre celui des espèces en voie d’expansion !

 

Chez les oiseaux tout d’abord. La gent ailée, fort appréciée des naturalistes français, donne des occasions de se réjouir. A travers le pays, de nombreux ornithologues veillent sur les représentants des espèces les plus rares et menacées. Dans le Centre et l’Ouest, c’est en collaboration avec les agriculteurs qu’ils travaillent pour préserver les nichées de Busards, efficaces prédateurs des mulots et campagnols, mais dont les nichées sont souvent détruites par les engins agricoles. Après que les ornithologues aient localisé les nids pendant le printemps, la délimitation de palissades de protection permet aux tracteurs et autres moissonneuses-batteuses de les éviter jusqu’à l’envol des couvées dans les premiers jours du mois d’août.

Mais il arrive que d’autres oiseaux, même remarquables, se réinstallent dans nos campagnes et nos forêts sans guère d’intervention humaine autre que sa bienveillance. C’est ainsi que la belle et discrète Cigogne noire, assez commune en Europe centrale mais rarissime en France, s’est réinstallée dans quelques massifs forestiers de Champagne-Ardenne (une dizaine de couples à la fin des années 2000). Nichant au cœur des bois, elle n’est pas directement atteinte pas les activités humaines, mais sa grande rareté rend sa présence confidentielle et seul un suivi à distance, effectué par l’Office National des Forêts et des organisations naturalistes, permet de la détecter.

 

Parmi les mammifères, la protection « active » (interdiction ou régulation de la chasse, création de parcs naturels…) s’est combinée à des dynamiques de résilience propres aux espèces et souvent étonnantes.

Les grands ongulés ont fait un retour progressif dans les dernières dizaines d’années, à la faveur de la déprise agricole et de l’action des associations de protection de la nature et/ou des chasseurs. Le phénomène est particulièrement soutenu dans le massif alpin, où il est désormais possible aux promeneurs chanceux de croiser jusqu’à 5 espèces de ruminants sauvages (Bouquetin, Chamois, Mouflon, Cerf et Chevreuil) en une journée, alors que ces espèces avaient totalement disparu de certains massifs il y a un demi-siècle. Le retour le plus impressionnant est celui du Bouquetin des Alpes, qui ne vivait plus que dans une réserve italienne au début du 20ème siècle et qui a donné lieu à un plan de sauvegarde partagé par tous les Etats alpins. En France, c’est en 1959 qu’un premier troupeau a été réintroduit ; aujourd’hui, ce sont quelque 8 700 têtes qui arpentent les massifs français, de la Haute-Savoie au Mercantour.

Chez une autre espèce, la Loutre d’Europe, habitante discrète de nos fleuves et rivières, le retour est à mettre sur le compte de dynamiques internes davantage que sur celui de la protection par l’Homme, qui est restée bien timide. Certes, les menaces qui pesaient sur elle avaient été un peu réduite lorsque sa chasse a été interdite, en 1981. Mais, contrairement au spectaculaire Bouquetin, elle n’a jamais fait l’objet de réintroductions et elle a dû surmonter toute seule la pollution, la dégradation des cours d’eau et les collisions avec les voitures.

Dans les années 1990 encore, on pouvait la croire perdue ; pourtant, en quelques années, elle s’est mise à repeupler, spontanément, ses derniers refuges nationaux (le littoral atlantique et le massif central), avant de revenir dans des régions qu’elle avait désertées : l’Orléanais, l’Ain et la Seine normande. Aujourd’hui, l’on estime ses effectifs à 2 000-3 000 individus (soit le double de ce qu’ils étaient dans les années 80). Un beau parcours pour cette espèce dont la présence atteste du bon état des milieux aquatiques !

Sur les côtes de la Manche, ce sont les phoques qui font leur retour, après une période de quasi-extinction du fait de la chasse et de dérangements répétés. L’espèce la moins rare, le Phoque veau-marin, a commencé pas se réinstaller en baie de Somme ; aujourd’hui, l’on y compte 250 à 300 têtes. Et depuis le début des années 2000, de petits groupes sont réapparus sur le littoral du Pas-de-Calais, près de Berck et Etaples ; leur observation (à distance) fait le grand bonheur des vacanciers, donnant un atout à un département pas toujours réputé pour son environnement !

 

Et puisqu’on est au bord de la mer, si on parlait de la protection des poissons ? Le concept aurait semblé irréaliste il y a quelques dizaines d’années, mais, en cette période de surenchère de déclarations alarmistes, il est utile d’évoquer des initiatives qui ont permis la rémission de certaines espèces.

En certains lieux, des récifs artificiels sont immergés pour procurer un habitat favorable aux poissons des récifs. Dans l’Hexagone, la pratique est d’abord apparue le long du littoral méditerranéen, il est vrai largement dégradé par les aménagements portuaires et touristiques.

Mais des récifs ont aussi été immergés dans l’Atlantique, au large de la côte landaise, à l’initiative de l’association « Aquitaine Landes Récifs » depuis 1999. Ils ont permis le retour progressif d’une vingtaine d’espèces de poissons qui s’y étaient raréfiées : congres, rascasses, bars, anchois, merlus, etc…

A l’échelle plus large du Golfe de Gascogne, cette dernière espèce a connu un heureux retournement de situation dans les dernières années, grâce à l’action des pêcheurs professionnels, corps de métier souvent décrié pour son manque de responsabilité écologique. La pose d’un panneau à mailles carrées de 10 cm de côté au sommet des chaluts a permis aux poissons juvéniles (non commercialisables) de s’échapper des filets et de renouveler le stock de reproducteurs, qui est passé de 91 800 tonnes à la fin des années 1990 à 146 000 tonnes en 2009 (bien que le climat et la baisse des quotas aient aussi joué en faveur de l’espèce).

Ces initiatives encourageantes sont à saluer, et il est à espérer qu’elles se généralisent à travers les mers et océans du monde… diffuser ce message y contribuera peut-être !

Sources :

http://www.sudouest.fr/2010/08/25/assurer-au-busard-une-progeniture-168316-1341.php

http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/la-cigogne-noire-de-retour

http://www.uicn.fr/IMG/pdf/Liste_rouge_France_Mammiferes_de_metropole.pdf

http://www.goodplanet.info/Contenu/Depeche/Le-retour-des-phoques-sur-la-Cote-d-Opale-fait-le-bonheur-des-touristes/%28language%29/fre-FR

Ornithos, n° 17-3, « Les oiseaux nicheurs rares et menacés en France en 2009 », Aurélie De Seynes et al.

Le Monde, 21 août 2010, « Naguère menacée de disparition, la loutre repeuple les rivières », Catherine Vincent.

Le Monde, 29 août 2010, « Chassé puis réintroduit par l’homme, le bouquetin recolonise les Alpes », Gilles Van Kote.

Le Monde magazine, 28 août 2010, « Planteur de récifs », J.P. Géné.

Le Monde, 23 août 2010, « Le merlu en convalescence sur la côte atlantique », Gaëlle Dupont.

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